mardi 23 décembre 2014

CHROMB! - II

(2014)




Pendu par l'oreille au pot d’échappement d'une vieille R5, Teddy l'ourson racle son arrière-train douillet contre le bitume, affolé par la quantité astronomique de gaz d’échappement qu'il ingurgite. Il a beau agiter ses petites pattes rembourrées en tous sens, la voiture ne décélère pas. Désespéré, l'ourson tente de saisir quelques gravillons au vol, amères postillons crachés par l'hostile chaussée -en voilà un!! Les larmes aux yeux, Teddy commence à trancher son oreille afin de se libérer, les coutures cèdent sous l'effort, encore un fil ou deux ....


Le voilà qui tourbillonne en l'air quelques instants 
------ 
retombe truffe la première dans l'herbe sale du bord de la route. 

Orphelin d'une oreille, Teddy inspecte le reste de son petit corps en peluche, tâtant son dos à la recherche d'éventuels égratignures.. Juste au dessus de sa fesse droite, un trou. Il enfourne comme il peut le rembourrage qui s'en échappe et se met en route, coupant à travers champs, s'éloignant le plus possible de cette autoroute de l'Enfer.


Les heures de marche épuisent l'ourson. Il se laisse tomber au pied d'un arbre centenaire, pose sa nuque contre le tronc raboteux , s'accordant quelques instants d'un repos bien mérité.



Le voilà tiré de son sommeil agité par le ricanement d'un saxophone sans-gêne, collé de près par une basse aux cordes lascives qui penche son manche à quelques centimètres du museau apeuré de Teddy. De la cime de l'arbre dégringole une mélodie folle, tout juste échappée d'un clavier maboul, l'épaisse cacophonie enveloppe l'ourson , l'obligeant à danser. Les instruments rigolent, la batterie éclate ses baguettes contre les racines de l'arbre excédé, des écureuils siphonnés du gland grignotent avec une frénésie carrément démoniaque les épaisses branches du vieux feuillus; Teddy, enivré par la musique, virevolte de droite à gauche, balloté, malmené, bercé, il ne sait plus où donner de la tête...

La fin de l'album est proche , mais c'est dans les dernières secondes que se déchainent, au-delà du possible, le rythme et les musiciens. Dans un ultime élan provocateur, le groupe envoie valser le réel , conscient du choc -délicieux- occasionné.



C'est d'un pas légèrement groggy qu'l'Ourson reprend sa route , avide d'autres aventures du genre.

lundi 22 décembre 2014

âmes soeurs



Vautrée sur les pétales d'un matelas 2 places, la jeune fille s'autorise une espiègle errance de l'esprit.. 
Sa peau rougit lorsque les contours de l’être aimé se façonnent dans un coin de sa tête, envahissant peu à peu l'intégralité de son âme. 
En douce, elle effleure le bas de son ventre du bout de son pouce gauche, ses lèvres s’entre-ouvrent alors, elle s'abandonne... 

 












A l'autre bout du pays,  l'homme repense à une conquête d'autrefois, encerclant de ses mains robustes une barre élimée : le balcon de son amante offre une vue imprenable sur le passé. C'est en souriant qu'il incline sa tête face à cette exquise réminiscence ; il l'accepte et la chérit en fredonnant ces quelques notes, enfouies depuis trop longtemps sous le poids du présent. 

 


Peintures : Liu Xiaodong

mercredi 17 décembre 2014

th@kid des étoiles


 Bones - Garbage (2014)




A la fin de l'album, une reprise d'ATC qui oscille entre le bad trip et l'espérance d'un futur moins sordide, fulgurant -moins de 2 minutes !

Une poignée de secondes, desquelles s'échappent des voix malades, scrofuleuses harmonies en mal d'échos - le repli sur soi s'érige en guide suprême : explorons ma folie!

Multiplicité des timbres , de la résignation à l'insurrection en un battement de paupière ; et ce piano bancal qui, caché derrière une brume au goût haschish, tend une dernière fois ses cordes vocales vers le Cosmos, caressant les étoiles d'une touche, noire de honte de n'avoir pu les sauver.


en écoute + ici

The Midnight Life

DJ Quik - 2014


l'artwork fiche la frousse, j'en ai les chaussettes trempées.. Pourtant, "Tha Quiksta" balance du lourd et hisse fièrement sa carcasse en haut du panier, auteur d'un dunk magistral aux beats léchés qui font mouche.

Son flow audacieux enivre; le MC au regard paisible débite ses lyrics avec une facilité déconcertante, impossible de ne pas se laisser tenter. Il nous tend la main, invit' limpide à l'excursion qu'il serait bête de décliner.

Un banjo surexcité claque ses cordes sans retenue, suivi de près par une flopée de cuivres avides d'en découdre avec le silence : résultat smooth et addictif, qui s'écoute comme un rail se sniffe': le train de nuit s'affole, à nous d'en profiter.. Ticket froissé dans la poche du bombers élimé, petite bouteille bien fraiche aux coins des lèvres, l'obscurité remue ses hanches sur les trottoirs , la ville s'anime, crachant des volutes d'un opium argenté insaisissable, sucré, dévastateur. 


Sainte Perceuse, patronne des emmurés

J'ai pas vraiment fait gaf', mais à vue de nez, j'en suis au troisième pack.

Après tout, c'est se noyer dans la brune ou péter un plomb définitif à cause de la perceuse qui creuse dans les cavités d'en-bas, sans relâche, toute la journée.


Faites-la taire, putain!!



Au milieu d'une page en papier glacé, mon regard s'est posé -en titubant salement, sur la pochette de cet album inconnu au bataillon. 



T.I.T.S  (2014)


Dès la première écoute, les ouvriers ont déposé les armes, grâce au Ciel,  batteries et guitares speedées ÉCRABOUILLENT les outils malfaisants, comme il se doit. 





L'équilibre est rétabli, mes tympans ronronnant d'allégresse, les voisins bien heureux d'entendre autre chose que le grincement strident des travaux. 


mercredi 10 décembre 2014

Super Discount 2

Etienne de Crécy - 2004




Il est de ces albums qui, objectivement, ne sont pas meilleurs que d'autres. Pourtant, ils nous touchent instantanément, sans crier gare, attisant d'emblée notre sympathie, parce que la première écoute a lieu dans des conditions spéciales, intimes.

Ce fut le cas de cet album de Crécy, goûté sur le tard, plus de 10 ans après sa sortie.
Le corps calé dans le siège de mon auto, l'humeur écrasée par le poids d'une journée pénible, j'insère Super Discount 2 sans trop y croire, la mâchoire crispée. Après seulement 2 tracks, me voilà conquise. Mes pupilles s'élargissent à n'en plus finir, me poils se dressent à chaque réplique insolente de la ligne de basse qui s'en donne à cœur joie, happant mon esprit bien au delà de l'habitacle.

Sans ce coucher de soleil aux reflets mauves, 'Gifted' ne me serait pas apparue aussi pure et nécessaire;
sans le virage pris à très grande vitesse, la montée finale du morceau n°5 ne m'aurait pas autant affolée.

Une alchimie s'est crée naturellement, entre le bitume, mon humeur et la musique, recouvrant tout le reste, n'existant que pour me satisfaire.
Ce trajet, je le fais tous les jours, mais c'est la première fois que je remarque ces toits, happés par de grands arbres sombres, dont le feuillage marque le tempo.
Une première écoute spéciale, rien qu'à moi, un dépucelage en règle, donc, qui installe la galette au sommet de mes préférences.


Coïncidences IRL ou pas, d'façon, Crécy envoie la sauce, et se montre assez malin pour étaler sur les 11 tracks de l'album, son immense envie de nous faire bouger.