mercredi 30 septembre 2015

Oneohtrix Point Never - I Bite Through It


Du haut d'une montagne d'instruments désaccordés, un loup gueule à la Mort. 
Sa plainte est de métal, ses souffrances, bien réelles, lui perforent les poumons.

Une armée de chênes désabusés absorbe l'écho du corps qui se tend et se recroqueville parmi les cadavres aux dents creuses, obsédant bordel. 

D'une vie sur le point de chavirer, il faut prendre appui - 

Que restera-t-il de nos souvenirs après que la dernière note se soit évanouie entre les étoiles? 
Les astres se mettront-ils à chialer? Probablement pas. Nous ne sommes que des bâtons de poussière, irrigués par quelques litres d'un nectar volatile, incapables de nous sauver . 

Le Néant, juché sur son trône en cristal, ne nous quitte pas des yeux. On a beau lever les bras, frapper le sol de nos jambes décharnées pour tenter d'accrocher le rythme, toute résistance est inutile. Les soirées mémorables ont toutes une fin. 
Tragique et décalée, d'ailleurs. 
Ne sont-ils pas idiots, ces troupeaux de fêtards, à trainer leur carcasse puante sur les parkings, aux premiers soupirs de l'Aube, l'organisme en manque de came, leurs yeux vitreux d'avoir trop dansé, vibrant sans cesse, à la recherche d'une ultime dragée interdite? 

Que reste-t-il de ces deux êtres, qui toute la nuit, se sont enlacés? 

Un synthé solitaire balaye leur romance en une portée, y'a plus qu'à rentrer seul, le visage sale, l'esprit embrouillé, ou ne pas rentrer du tout, et se coucher en chien de fusil, tel un bâtard aux longues oreilles tristes, tout contre le bitume. 

à quoi bon persister? 

S'attacher à un corps transi, pour la délicatesse de ses courbes et son odeur... tu l'aimeras toujours, dans 120 piges, quand il ne sera que lambeaux dégueulasses, abandonné sous terre, habité par les vers? 
Le poids du Temps se fait trop lourd, la balance est fêlée. D'une craquelure plus profonde qu'une autre se hisse maladroitement une bribe de voix parasitée, son chant sème la Terreur parmi les goules au teint crayeux. Elles s'éparpillent en glapissant, l'échine déchirée à grands coups de désespoir, les yeux révulsés par un passé maudit. 
La plus grande d'entre elles passe un doigt décharné sous sa paupière, afin d'en recueillir une goutte vermeille. 
Ses pieds cessent de s'agiter. 
Elle stoppe sa course sans fin au pied d'un char couvert de mousse. 

Éreintée, elle se laisse tomber à terre, bruit sec d'os pourris qui se brisent, un nuage verdâtre encadre sa carcasse, quelques mouches vrombissantes, excédées par tant d'audace, décollent de leurs perchoirs. 

Le morceau touche à sa fin, la goule le sait. Ce qu'il reste de ses yeux, brille d'un éclat nouveau. Verts sont ses iris, autrefois complimentés, deux trous sans fond, qui roulent en gémissant. 

L'album d'Oneohtrix Point Never sort en novembre : l'espoir s'est bel et bien noyé dans un souvenir, rongé par le froid. Avec ce premier morceau, il signe la fin d'un Monde qui fait écho à la perte de l'être cher que l'on ne pourra plus jamais prendre dans ses bras. 

Alors, dis-moi, prophète des Temps Perdus, comment je fais, à présent?  


                          XIII - XI - MMXV

mardi 29 septembre 2015

Temps Mort

Dissimulée à l'angle du couloir, une ombre longiligne attend. 
La main glacée d'une fillette caresse la poignée en fer, la tourne. Une fois la porte entr'ouverte, elle sort timidement de sa chambre, ses pieds nus frottant contre le parquet. 


Lentement, elle progresse dans le sombre corridor, le coeur battant, attentive aux frissons de la Nuit qui entoure les formes, avale les contours des choses. 

Soudain, son pied se prend dans la chevelure de l'ombre, son corps bascule en avant. Sa tête vient heurter le sol de plein fouet, les os de son nez se brisent avec fracas, du sang éclabousse son front , lisse et blanc, doux comme un songe. 

Sa vie la quitte, sans un bruit. 



 

Accoudé à une table en hêtre, dont les pieds, éclaboussés de Kanjis rouge sang frémissent de peur, le vieux Samurai sirote placidement sa bouteille de saké. Au fond de la pièce, allongé sur un coffre sombre, sommeille un chat blanc au pelage constellé de taches brunes. Ses moustaches hirsutes pointent vers le haut, lui conférant ainsi l'air d'un vieux sage un peu toqué.

 Le Samurai se racle la gorge. D'un mouvement vif, il caresse le Katana posé à côté de son verre, et lui murmure quelques paroles apaisantes. Dehors, la nuit retire sa cape sombre avec paresse, laissant le soin à l'aube d'illuminer le village endormi.  Une poignée de grillons ivres frottent frénétiquement leurs pattes en baillant ; l'atmosphère, gonflée par le cri des insectes, se fait plus pesante .

 
Au coin d'une ruelle proche, trois ombres encapuchonnées filent vers leur destin, les mains visées sur le pommeau de leurs épées. Attiré par la Mort, motivé par une funeste soif de vengeance, celui qui ouvre la marche accélère le pas, écrasant des grillons à chaque enjambée. Les voilà devant la porte grande ouverte; un filet de lumière glacée lèche leurs silhouettes. D'un commun accord, ils pénètrent en même temps dans la pièce.


Le vieux Samurai ferme les yeux, emplissant ses poumons d'air une dernière fois. Il empoigne son arme à deux mains, tout en faisant face à ses adversaires.

 Quelques instants plus tard, il tombe, une épée plantée entre les omoplates.  
Le chat se laisse alors mourir , à ses côtés. 

samedi 12 septembre 2015

Sors de ma Tête


 
L'aurore se dresse doucement par-delà les rochers, et, lorsque les premiers rayons de soleil arrosent les visages tirés des danseurs, quelques gerbilles se risquent à apparaître, humant l'air de leurs petits museaux trempés. L'atmosphère a des relents de fin de vacances et pousse les fêtards, dépités, vers leurs demeures respectives. Penchés au dessus du sol, leurs baskets flinguées foulent silencieusement paquets de clopes vides , gobelets souillés et autres machins lâchement balancés à terre pendant la soirée. 



Mais d'entre toutes ces ombres anonymes à la sueur acide, l'une d'elle attire mon regard.

 

cela fait 5 minutes qu'elle remue son corps en silence, sans musique, le visage mangé par une capuche aux contours incertains. Les pointes de ses cheveux, qui chatouillent son menton, accrochent partiellement la lumière, on penserait qu'elles sont gorgées de miel. Difficile de ne pas s'attarder sur ses bras qui caressent les courbes de ses hanches, décrivant parfois de petits cercles hallucinés à quelques centimètres de sa chair . L'hypnotique ballet me fait oublier le reste. Je pourrais aisément rester des heures à la contempler, les arbres en tomberaient de fatigue mais je serais encore debout, les yeux écarquillés, braqués sur son visage au teint légèrement hâlé, incapable de faire le moindre geste, tremblant d'une admiration craintive propre aux animaux sauvages.


L'aile inutile d'un Phoenix au gout de Cendre
Tourbillonne contre sa joue tendue

 

L'ombre de mon âme à tes yeux éternels 
S'efface peu à peu sans laisser de trace 



à quelques mètres de nous s'agite une salamandre . Sa queue fend l'air en des mouvements désordonnés, prise de folie ou tout simplement las de lutter, la voilà qui se couche à mes pieds. Lentement je m'agenouille à ses côtés, et pose ma main sur son échine : glacé de solitude, le petit animal cesse peu à peu de respirer. Les cimes des arbres entament alors une triste litanie, qui me ravage intégralement le crâne, je prends conscience de l’égoïsme de ma situation. 



Lorsque je lève la tête, tu auras disparu.  

mardi 8 septembre 2015

Et voler ton coeur (Beatless)

De tous les reflets abandonnés
C'est le tien que l'Amort préfère

Son molosse aux dents de métal se plait à lécher tes joues translucides, moites d'avoir trop pleuré

Souviens-toi de toutes ces occasions manquées
Et regarde ce qu'il en reste , à présent. 

Aucun fleuve à remonter , pas un ruisseau,

que t'avale le Néant !



Quant à celle qui t'a offert son chant
Aux pieds de la Mer immense et incertaine
Elle se tient, saine et sauve, hors du temps
Caressée par des vagues brunes - sang de sirène



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Si tu tends ton cou vers l'horizon, tu apercevras l'avenir. C'est dans un parc peu fréquenté que ton regard s'arrête. Sur un vieux banc en bois de rose, se tient une ombre, courbée sur un sac en plastique.

La vieille marmonne des trucs en pelant un fruit abimé. À chaque bouchée, elle recrache des bouts de peau flétrie et des pépins. Son regard verdâtre, brouillé de solitude, observe les Ténèbres. À ses pieds, un petit jouet de bois penche la tête sur le côté, en pleurant. Du fond de son coeur la vieille crie à l'aide, même si sa gorge ne peut produire de notes, ses entrailles se déchirent à force de se tordre, son âme, pour toujours d'une jeunesse éternelle, tente de s'échapper par les trous que les Os tranchants ont réussi à forer. 

Mais c'est en vain que la vieille se fatigue, car il est trop tard. 

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Lorsque les silhouettes d'Antan se seront toutes dévorées
Au crépuscule d'un Dieu il faudra alors se rendre
Jamais je n'aurais deviné que cette main, j'aurais dû la prendre


Ô Temps farouche et obstiné,


Préserve à jamais cette passion tout entière
Que chaque nuit j'y revienne, juchée sur mon refus d'hier
Et que la Mort me bouffe, en échange de ta Liberté