mardi 24 mai 2016

Une nuit de plus

 

Elle a choisi de rester genoux à terre, la langue humide collée à la barrière de métal brulant,
les beats liquides du morceau de Carsten Jost s'emparent de son âme triste, lentement, à la manière d'un ver avalant du terreau, les jours de pluie.

Debout devant un quartier de lune malade, un jeune garçon la scrute avec curiosité. Sur son épaule, tout contre son cou, un gros corbeau s'impatiente. Il a faim de chair fraiche, ses griffes se plantent profondément dans la peau du mioche qui s'avance, grimaçant de douleur. Un pied devant l'autre, de plus en plus proche de la jeune fille qui continue de lécher la barrière, sans prêter attention aux deux silhouettes qui ne sont plus qu'à quelques mètres d'elle et dont le pouls augmente sensiblement,. L’appréhension de faire fuir leur proie les gagne. Le garçon sue du front, la racine de ses cheveux se trempe et ses lèvres se dessèchent, quant au corbeau son bec commence à peler comme un vieux fromage des montagnes. Le gosse ouvre grand sa bouche, l'animal prend exemple sur lui et fend sa face de piaf en son milieu, les voilà prêts à gober l'innocente illusion, qui disparait, sans un bruit.



jeudi 19 mai 2016

Dawn Richard - Infrared

La Reine est de retour ...



Jamais ne quitte mes pensées


Le museau du petit singe me rappelle ses mains fripées, écrasées de soleil, qu'elle aimait tendre devant les regards - des mains d'enfant sorti trop tôt. 

Dawn Richard laisse échapper un "I'm not over you" à bout de souffle, fragile mais prégnant, secondé par un peloton de tambours énervés. Honest, donc, qui ouvre l'EP, fait le boulot, à la manière d'une Call Girl rodée qui remue ses hanches machinalement, sans trop se crever.

How I Get It, par contre, se taille une place de choix dans mon top perso de la chanteuse. l'instru rend ouf, ça pue la UK Bass des grands jours à plein nez, ce morceau sonne comme un arrêt cardiaque aux pieds de la fille qu'on aime, je suis à deux doigts de rendre les armes et de m'allonger le nez dans les fougères, afin de me laisser lentement grignoter par les insectes nés de regrets...

Paint It Blue me fait l'effet d'une danse sensuelle aux limites du réel, la pochette de l'album est un cliché par un ange hypnotisé lors de son show, petit veinard aux ailes coupées, quand prieras-tu?

L'EP se clos sur Baptize et ses tremblements vocaux, proches du divin. Elle me restera moins en tête que les deux précédentes, mais qu'importe.

Les marques sont là, ancrées dans mes chairs molles, je laisse une dernière fois courir mon regard sur ses mains, ses mains toutes lisses d'avoir caressé la Nuit, je me couche à côté de sa silhouette pétrie de rêves charnels.



mardi 3 mai 2016

Jedi Mind Tricks



Un corbeau gras et lourd trainait son imposante carcasse dans la cour du collège, lâchant, avec une régularité d'horloge bien réglée, des croassements graveleux, roulés dans le goudron de son estomac et propulsés hors de sa cage thoracique par un souffle puissant de bête contrariée ; de son bec, s'échappaient des volutes d'une épaisse fumée grisâtre, relents d'Enfer au goût de cendre, restes accablés du Temps jadis.

Sur l'épaule du MC de Jedi Mind Tricks, ce corbeau full of haine donnerait cher pour s'y poser, c'est évident. Tous deux cracheraient bile et glaviots sur l'auditeur hébété, tordu de douleur, roulé en boule sur le goudron piquant. L'album mitraille à tour de track, parcouru de tout son long par une traînée de verve baveuse et acharnée, comme quand l'oiseau se pose aux côtés d'une carcasse et déchiquette la viande pourrie à grands coups de bec aiguisé.

Repus de nos âmes molles, l'homme et la bête s'éloignent en ricanant,  prenant soin, sous leurs pattes folles, d'écraser les os des cadavres suintants .