mercredi 26 août 2015

Booka Shade - Eve (2013)



Le râle rauque d’un corbeau éméché
Réveille en sursaut la belle endormie
Doucement, sur la pointe des pieds
S’approche de la fenêtre, scrute la nuit

Une miette d’un amour coloré
Se dresse par dessus les tambours
Elle rote des mots de haine, déchainée
Croisant le fer, avant le jour..





L'artwork pas très mignon me donnait pas envie. Et ce vieux sax , dès l'ouverture, m'avait gavé. Et puis y'a eu ce soir d'été 2015, gorgé de solitude, un de ces soirs où la mélancolie te prend par la main avec la ferme intention de t'en faire baver, comme ça, parce que le Temps te toise de son trône cliquetant.. Alors j'ai voulu réécouter des albums familiers. Mais j'ai très rapidement pris peur, ces derniers me paraissant hostiles, comme habités par une âme étrangère, qui jamais ne m'aurait accepté.
J'ai tenté cette galette sans trop y croire, les orteils crispés vers l'intérieur, l'oreille alerte.
L'artwork n'est pas plus beau qu'avant. Moins menaçant, peut-être. Et ce vieux sax, dès l'ouverture, toujours aussi gavant..

Puis la track 2 (Love inc.) qui porte foutrement bien son nom, s'élance doucement, entourée d'une faune bouillonnante, pour atteindre des couches stratosphériques inexplorées. Kalimera me fait penser à cette jolie chanteuse Grecque, d'il y a quelques années.. Je commence à me sentir bien. Leema, plus sérieuse, à des relents tribales, parfait pour s'agiter!

Débarque alors Maifeld, sorte de femme Ogresse enragée, qui te retourne le crâne avec ses excès de basses frénétiques, que les synthés ont du mal à calmer.
La seconde partie de l'album, moins féminine et plus mature n'est pas en reste.
On m'a retrouvé courbé sur mes enceintes, à l'aube d'un jour nouveau, l'album de Booka Shade entre les cuisses, prêt à m'y replonger au moindre postillon mélancolique.. 



mardi 25 août 2015

Andrew Bayer - It's Artificial (2011)

À l'orée d'un bois artificiel , où meurent les rossignols ,
une silhouette s'allonge, à demi nue, dans l'herbe fraiche. 
Sous le creux de ses genoux pliés, galopent des petits animaux aux poils entrelacés,
dont les pattes grattouillent le sol à la recherche d'insectes - providentiel repas en ces temps de disette.


À l'instar de ces mammifères affamés, la silhouette sort lentement un disque de la poche du sombre manteau posé à même ses épaules, en soupirant. Les oreilles en sang, l'esprit brouillé, ses doigts caressent l'objet de la dernière chance, une inquiétude délirante au fond du regard. La lèvre pendante, la voici qui ouvre son lecteur cd d'une main fébrile, afin d'y insérer l'enregistrement. 



Un lièvre au pelage troué par la torpeur renifle le casque, posé aux pieds de la jeune femme . Les oreilles lui tombent sur les yeux, il n'a plus beaucoup de dents ; il décide de faire une halte, pour écouter.. 


À genoux, en larmes parmi la verdure étrangère, la jeune femme aux jambes de feu serre le corps de l'animal contre son visage mouillé. 


à quelques pas de là, une rivière à l'ondée pure et rafraichissante, entame un air cristallin , entendu un peu plus tôt, dans la clairière..

vendredi 14 août 2015

Kid606 - Resilience (2005)


Sous l’œil inquiet d'un bouquet de Marlboro cloué au mur, s'agite une petite fille rousse à l'air boudeur -ses cheveux sentent la vanille, la myriade de boucles crépite d'impatience.
Dopée au son, la voilà qui esquisse quelques pas de danses déstructurés, aidée par une basse salace qui n'est pas là pour déconner. 

A côté d'elle se tient un type dont la casquette en velours noir recouvre le haut d'son crâne. Cousus à même le tissu, une poignée de chiffres solitaires la reluquent,  plaque en fer blanc marquant le tempo. 

Faut vraiment pas avoir de peau pour pas être pris d'une irrépressible envie de l'étirer sur Spanish Song... Quand bien même le rythme est tranquille, ce dernier à tout pour plaire : hypnotique, captivant, il ondule son squelette à en faire pâlir le roi des pythonS , là, à quelques centimètres de notre âme ébahie, carrément secouée par la douceur de l'album. Kid606 nous avait habitué à plus brutal: des tracks carnivores , flinguées au speed, déchirées de fureur ; ici on pourrait faire l'amour à une grande Dame sur un lit de cristal tout en récitant mélancoliquement John Keats et ça passerait nickel.


Le type sourit et s'avance vers la gamine, balayant l'horizon du regard. Les deux silhouettes s'agitent au corps à corps, deux destinées qui s'opposent :
pas de travers, patte de silice
qui doucement se glisse
à l'ombre de ton sourire
Dansons! jusqu'à s'écrouler ivre..


De l'ouverture douce-amère ( Done with the Scene, porte-étendard de toutes les âmes cafardeuse du web ) à l'ultime Audition , l'artiste ne nous lâche pas une seule minute, offrant son corps en vagues d'osties vibrantes, partageant son sang synthétique à ceux qui sauront le savourer. 
Il y a laissé une partie de lui, c'est indéniable; reste à savoir si l'on est prêt à faire de même une fois le disque lancé..

mardi 11 août 2015

éphémère

 
D'une bouche entr'ouverte s'échappe une libellule
les ailes palpitantes remuent les sons ambiants de cette chaude journée d'été.

Sous la joue d'un nuage solitaire
l'insecte stagne quelques instants.


La nuit tarde à se montrer
la libellule se pose dans une chevelure mordorée,
cette dernière ondule, bercée par l'inlassable paresse propre aux astres noctambules
colle à la peau


Le souffle court, perdu au fond d'un puits,
la ptite bestiole se noie en silence
à l'écart de la masse
éclairée par son âme  



 +

lundi 10 août 2015

(The Story of) Espion

 DJ Mehdi - 2002


Qu'il est bon de se replonger dans des albums écoutés et adorés il y a perpète, au hasard d'une prospection dans les piles de disques pas classés , engourdis par le sommeil depuis trop longtemps..
Une ombre sans identité, bouillonnante d’ennui, colle ses extrémités aux murs d'une ville fantôme, crépitante de vide. L'haleine de ce mois d'Aout, moite comme jamais, la suit de près. C'est au détour d'un petit square inoccupé qu'elle aperçoit un banc délabré, à l'ombre d'un arbre fatigué, noueux. Une colonie de fourmi chill peinarde, au pied du tronc. L'ombre étale ses formes imprécises sur ce siège de fortune, savourant la fraicheur de l'endroit. Entre les contours de son esprit résonnent les morceaux d'un album tranquille et maitrisé, d'une générosité sans bornes. Au fil des tracks, l'animal qui l'habite oscille et modifie son squelette au rythme du saxo languissant, agitant ses pattes à la suite d'une série de beats rondouillards, ouvrant sa gueule d'MC cramé, posant ses textes subtils et éphémères, à l'aise d'un bout à l'autre de l'album.
Perdue dans ses pensées, l'ombre ne voit même pas l'astre qui disparait à l'horizon - sans faire de bruit, elle s'évapore dans les Ténèbres...