samedi 26 décembre 2015

Suiyoubi no Campanella - Zipang (ジパング)

merveilleux, ce paysage.

De la lessive au bout du pouce, suçotée par deux lèvres sèches et la pointe d'une langue crevée des repas de fête,

"C'est un beau jour pour mourir" songe-t-elle.

La couette, remontée jusqu'au front, entrave sa respiration. Prévoit-elle d'arrêter totalement cet effort? Ses cheveux longs et gras, éparpillés en serpentins malodorants tout autour de son crâne lui chuchotent de drôles de choses, quant aux pointes , trempées de larmes, elles lui lacèrent le cou et le menton. Sur le coussin d'à côté, git son téléphone. Il lui reste peu de batterie, tant pis, elle le soulève à hauteur de ses yeux et navigue maladroitement sur un site musical, sans conviction.

Mais, au détour d'une immense liste en forme de journal-musical d'un autre utilisateur, son regard est attiré par l'image figée d'une vidéo. Son pouce s'écrase sur le triangle horizontal, le morceau commence, les Ténèbres prennent peur et déguerpissent sans bruit.

La vidéo miracle est celle d' マッチ売りの少女  (la dernière track de l'album)




charme frontal, sans compromis.
Souple et délicate, la chanteuse évolue à la manière d'un ange vaporeux, modifiant l'atmosphère des espaces qu'elle traverse par de simples éclaboussures de voix savamment distillées. En parfaite symbiose, les instrus s'autorisent quelques cabrioles, à l'image du saxophone bondissant qui débarque à 1:10, sous la douche avec elle, l'embouchure mousseuse contre ses omoplates, irrésistible.

Le break hip hop àlamode ne dérange pas la jeune fille. Au contraire, ça lui colle un sourire malicieux au coin des lèvres, d'un geste rapide, elle redescend la couette sur son ventre et commence à se trémousser légèrement.

Et l'album, que vaut-il?

Il est de la même trempe : décalé, soigné, improbable et généreux. À son écoute, elle a l'impression de mordre dans une part de tarte gazeuse et rebondie, qui promptement réchauffe le ventre, un peu comme l'artwork arc-en-ciel imprimé sur la boite du cd. Les morceaux ont du chien et n'hésitent pas à filer des coups de dents alentours, la queue frétillante et les babines humides de plaisir. 








Apaisée, la jeune fille s'est endormie au beau milieu de la deuxième écoute, reconnaissante pour l'éternité de cette découverte qui lui aura redonné espoir.





L'horreur

La sortie d'Hallucinogen Remixes aurait pu me combler d'une joie sans fin. 
Mordue par Rewind depuis des mois, j'avais (malheureusement) trouvé l'EP un peu mou du fion, sans pour autant me désintéresser totalement de la lady au teint bleu. 

Les oreilles décrassées, tournées vers mes enceintes, j'attends, pleine d'espoir. 


Je triche un peu en écoutant direct le premier remix de Rewind , par un certain Mc Bin Laden... 
bordel, c'est quoi cette MERDE??? le type qui gueule, là, il s'est cru où??? Exit la finesse et la langueur, accueillons à bras ouverts la brutalité débile et agressive d'un connard en manque de pétasses de la nuit. On se retrouve propulsé en plein milieu d'une piste de boite de nuit labellisée bolosses,  Kelela se trémousse comme elle peut sous les regards carnassiers de types en rut complètement foncedés, le whisky leur pend aux lèvres, elle se prend une main au cul toutes les 30 secondes, l'espace est bien trop réduit et puant pour qu'elle y évolue avec grâce, dégage!

la suivante est à peine meilleure. Il joue plus sur l'ambiance aquatique de l'instru original, cé biiiiien, mais n'apporte que dalle au morceau. Donc à quoi bon? 

oublions Rewind, d'tfaçon l'original se suffit à lui même, il tangue sur une brèche démentielle, oscillant entre rnb chaud du pantalon et une fragilité féminine poussée à son extrème. 

Que valent les autres remixes? bah c'est pas glorieux. Air Max 97 se contente d'ajouter une poignée de coco jambo (oui, c'est ainsi que j'appelle les sonorités exotiques direct sorties d'une jungle amusée) à All the Way down, c'est pas inécoutable, mais c'est très vain. 

The High devient carrément inécoutable, à croire qu'ils étaient tous sous champis lorsqu'ils ont... aaaah mais voilà. 

brillant concept, merci, Warp. 



 

lundi 21 décembre 2015

Top 2015 : Bave sur ma Pochette

Les plus folles-canons-délicieuses pochettes de cette année.






Dorothy en route pour le fantastique pays d'OZ




Cet homme au regard dense semble sur le point de dire quelque chose. C'est à voix basse qu'il lâchera une poignée 
des mots feutrés, noircis de mélancolie, qui iront se fracasser sur les contours de la pochette. superbe



manque plus que la petite giclure de miel sur le bout de la truffe.
L’élastique qui se tend entre tes doigts exquis me rappelle un jeu 
de mon enfance, abandonné depuis trop longtemps. Une partie?





TOP 2015 : Les meilleurs morceaux

(en bas, en rouge, les liens :) ) 


Adderall/ Sold (outerlude) - Dawn Richard

je fonds pour les tracks "2 en 1" . Les paroles de la première partie, couplées au rythme fou de la deuxième m'aspirent et me caressent, me laissant une traînée de plaisir le long de ma colonne. truc de fou!



To Live and Die in Grantham - Clark

la gueule en vrac d'avoir trop consommé, l'estomac vide depuis des jours , l'ombre du mec déambule sous les rayons du matin, pressé d'en finir avec l'aurore. montée désespérée venue des limbes qui se taille un passage à gros coups de synthés étranglés.  




Rewind - Kelela 

L'EP a beau m'avoir déçue, cette track, par contre, je suis pas prête de la laisser moisir. Rien que pour l'instru, aquamystique, qui se déploie en douce sous une couche de brume laiteuse, j'offre la moitié des cd achetés cette année au premier péquin venu. Pour le passage à 2:30, je vends mon âme. Vous êtes prévenus!


Jackrabbit - San Fermin

petit lapin, pourquoi fuis-tu? 



Borders - M.I.A.

Quand le RnB fait l'amour au Reggae sur un matelas portés par 2 éléphants gorgés de lave et sirupeux, M.I.A brule tout sur son passage.


Stoke the Fire - Darkstar 

paumé entre une poignée de tracks chiantes comme la mort, Stoke the Fire hisse sa simplicité catchy en quelques coups de canifs bien placés. En plus, je trouve le clip génial. 






Sodawaltz - Ms John Soda
Sodawaltz ondule sur la brèche d'un gouffre aux dents de cuivre, porté par un élan emprunt d'une féminité folle, qui jamais ne s’essouffle. Bref (moins de 3 minutes!) et pourtant , abouti jusqu'aux étoiles.


Wildfire Part 3 - Cinder
Le feu qui détruit tout en guise de territoire et l'Acid comme arme de destruction massive au bout des doigts, Cinder se joue de nous et lâche, en plein milieu d'un album déconcertant, cette track qui calcine tout sur son passage. Je l'ai probablement écoutée 303 fois depuis sa sortie, pourtant, elle me fait toujours autant d'effet. 


Fortune 500 - Everything Everything
Cette track me dépasse à bien des niveaux. Que ce soit la voix, qui côtoie les cimes éternelles, ou les instrus intrusifs qui déchargent leur colère dans tous les recoins des portées.. On touche à un truc quasi divin là, défonce totale!


Human Race - R23X 
humer la vapowave à l'embouchure d'un appareil venu tout droit du futur, les genoux à terre, les narines frétillantes. Voilà ce que ce morceau me donne envie de faire. Tout en me faisant masser le dos par une jolie cyborg aux cheveux noirs. oui

Fourth of July - Sufjan Stevens 
Par souci de contradiction, je n'ai écouté qu'en décembre l'album de Sufjan Stevens. Lorsque Fourth of July est passée, les légions de nuages laiteux ont littéralement accouché d'une boule de lave bouillonnante qui s'est mis à déverser ses rayons dans tous les sens, redonnant vie et couleurs au tableau de la vie hivernale, terne et déprimé. Juré!

Under the Pillow - Riverside
D'une simplicité confondante, et pourtant, fallait l'inventer. J'ai l'impression d'avoir 15 ans en boucle, avec cette chanson. Y'a ce qu'il faut d'insolence, aussi. 

Search Team - LiL JaBBA
boom boom boom boom

Sicko - Rex The Dog
si j'étais un chien, j'irais pisser sur tes pompes 


Lorsque je mets ce morceau en voiture, la route se transforme en canyon pavé de cadavres, mes roues sont de feu, mon regard brouillé par l'énergie des grattes furibondes transperce l'horizon en flinguant tout. Jamais été en retard au travail, comme ça, nickel. 


Black Jacobins - Rizzla 
L'ambiance de cette track rappelle le Néant qui gémit, qui se tord et implore un Pardon inatteignable. Et les voix qui fusent du fond des enceintes, tranchant l'air de leurs décibels libérées... ça me colle des frissons! 


en vrac :

Injury Reserve -Washed Up 
Marie Davidson - Insomnie

dimanche 20 décembre 2015

Jean Claude Vannier - L'enfant Assassin Des Mouches

1972

J'ai débarqué sur cette plage un matin d'avril, à poil comme un nourrisson, les fesses blanches de trop souvent dormir sur le dos. Mes traces de pieds me rappelaient, à intervalle régulier - 17 centimètres - à quel point il serait compliqué de rattraper le temps perdu. Alors je me suis dirigé vers l'Océan qui palpite afin d'y rafraîchir mon corps. Je barbotais tranquillement, sans trop m'inquiéter de mon sort, chatouillant les poissons qui nageaient sous moi, du bout des orteils, lorsque j'aperçus des silhouettes qui se dessinaient à l'horizon. De surprise, j'avalais un peu d'eau salée, la recrachais par les narines, ça m'a fait tousser. Je ne savais que faire, mon coeur tambourinait contre mes chairs, ma queue s'était recroquevillée de trouille, un banc de gobies se marraient dans un tourbillon de bulles. Les minutes s'égrainaient, au rythme d'instrument givrés, tandis que les cuivres et claviers s'emballaient joyeusement. Drôle de contraste qui commençait à me mettre mal à l'aise. Quelle position adopter? Se laisser porter ou résister? 

Des mioches. Les ombres se sont découvertes des tailles, des carrures et des visages. Qu'est-ce qu'ils foutaient là? Je nageai lentement vers la plage, une angoisse nouvelle alourdissait mes membres. Que tenaient-ils dans leurs poings serrés? De longs bâtons aiguisés - des lances!! - , quelques épées de bois, des arcs. Chasseurs pubères aux bouches rieuses, les voilà qui entament une drôle de danse autour d'une masse noire que le plus grand d'eux vient de déposer sur le sable pâle. 

Sa Majesté des Mouches, ne serait-ce pas ton propre squelette amenuisé qui gît aux pieds de tes descendants aux mains lisses? 




mardi 15 décembre 2015

s'il n'en restait qu'une

t'as beau essayer de leur faire comprendre, ils continuent de se bouffer la queue en bavant.

leur ombre lentement grignote le peu de conscience qui leur reste, 
feinte de trou noir, 
synthé paumé sous une chaussure à fentes, 
personne ne viendra presser tes joues ! tu peux toujours courir en cercle et calculer les angles, que les corbeaux bouffent tes cahiers, l'encre qui bouillonne sous ta peau n'a plus de couleur depuis des lustres , il est temps d'abdiquer. en musique, c'est un peu moins vain. 



reprends ta respiration sur l'eau gelée, accroche ton manteau de peau aux arbres de ma conscience et bois ce doucereux breuvage au goût de trouille, je viens de le touiller.

jeudi 3 décembre 2015

Kill the Thrill - Tellurique

2005

Une petite troupe d'éoliennes astrales, plantées sur le sol Mercurien par une poignée d’irrésistibles pirates des Vents, se gave de brume et d'obscurité, silencieusement. Du plus profond des terres inhabitées leur provient une voix chargée de solitude, rocailleuse et forte comme le granit, qui leur murmure de s'abîmer dans le Néant, toutes âmes dehors, la peau rongée par le temps qui chante et gueule, fatigué de ne jamais mourir. 

L'album prend direct aux tripes, naviguant sans cesse entre des eaux boueuses, noires et suffocantes (sans reflet) et des eaux plus limpides, d'une pureté cristalline, source de jouvence salvatrice parcourue de riffs marquants. Avec Non Existence, par exemple, on tient  peut être le morceau le moins écrasant de l'album, tant le chant laisse des occasions en or aux instruments afin qu'ils éclatent et s'éparpillent, brassant l'air saturé de leurs cordes et hoquets fanatiques, poussés dans les limites gazeuses d'une existence sur le déclin. La douleur est palpable, aussi bien dans les paroles que sur les manches brisés des guitares, l'auditeur est compressé, broyé, retourné par cette vague d'annihilation finie à l'acide, ronge et grignote les ombres malades du fond de ton trou, inutile de cracher, Tellurique comme oreiller, recroquevillé au pied d'une de ces brasseuses de vent tendue vers l'Infini, la Terre en ligne de mire qui continue de tourner, pour qui? pour quoi? quand est-ce que le mécanisme s'arrêtera, fatigué ou bousillé? Seras-tu encore là pour y assister?


mercredi 2 décembre 2015

Ni - Les Insurgés de Romilly


Je lui avais donné rendez-vous dans un bar réputé pour son ambiance feutrée, sa musique élitiste et la qualité de ses alcools. Nous étions collés à un mur tapissé de mousse rougeâtre et moelleuse, tout au fond, mais si l'on tendait le cou, il nous était possible d'apercevoir quelques morceaux de la scène. À la table voisine, un type grassouillet tétait le cigare en caressant les boucles sucrées de la femme d'ébène collée à son ventre rebondi. Il ouvrait régulièrement la bouche, tenant son cigare entre ses doigts, laissant échapper un rire graisseux et mordant, sorte de fauve puant la thune et le stupre, prêt à bondir, tous crocs dehors.

La mélodie postillonnée par le piano à queue s'imbibait de l'épaisse nappe de fumée grise  -volatile et voyait ses volutes s'écraser contre les cols de veste, imprégnant coiffures et moustaches au passage. 
Je la fixais intensément, mordant ma langue d'anxiété, le goût cuivré du sang me piquait le palais. 
Et dans ses yeux , noisettes fondantes, j'entrevoyais de frêles nuances aux contours léchés, trépignant d'une colossale envie de se tirer, de briser les cloisons et courir, d'user son haleine à l'infini, pour l'inconnu. 

"C'est d'accord, lâche-t-elle.  J'en suis

Explosion acide au fond de mon crâne, je mobilise toutes mes forces pour pas trembler. Je me ressers en tequila, mais, mon geste est trop fébrile, des gouttes s'écrasent sur mon poignet. À l'affut, elle penche son museau en avant et tire sa langue hors de sa grotte humide, me lape comme un petit chien. J'ressens des picotements jusque dans mes orteils, va falloir agir. 

Je me dresse brusquement sur les talons, renversant la table au passage. M'en fous. En quelques bonds agiles, j'atteins la scène et dézingue le piano à coup de batte en émail blanc. J'éclate la tronche boutonneuse du pianiste en hurlant, faisant gicler dents et bouts de chair dans tous les sens, y'a un morceau de nez qui vient se coller sur le devant de la robe d'une très belle dame, au premier rang, pile à la naissance de son décolleté. Pétrifiée, la dame lâche un filet d'urine sur ses jambes douces, j'en ricane encore de la voir comme ça, yeux vomis hors des orbites, la robe cradingue de sang, les pompes gorgées de pisse, probablement déjà morte de l'intérieur depuis longtemps. 

À quelques tables de là, elle se déchaîne à l'aide de deux fourchettes, plantant à tours de bras la chair molle des convives hébétés, les os craquent de trouille et se disloquent, comme moi, elle est fendue d'un large sourire. 

Cette fureur qui nous anime n'a rien de singulier. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil à la pochette de l'album - géniale et percutante, d'ailleurs. La révolte, qu'elle soit de chair ou de métal est implantée au plus profond des choses depuis la Nuit des Temps. 

C'est notre rôle de lui ouvrir nos chairs afin qu'elle en jaillisse sans honte, dans la splendeur de sa nudité, et qu'elle repeigne le décor, suintant de gros glaviots rouge sang, puis qu'elle chie des litres de flotte amère dans lesquels des nourrissons seront noyés, là, au premier plan, la Mort qui culbute un porcelet gavé d'écume, et haut dessus, un fil aiguisé et tranchant qui taille une large grimace glacée au foutre dans toute la largeur de l'horizon, avec ces petites figurines à forme humaine qui suent et dansent et se perdent à moitié fou, l'esprit flingué par le Néant, le corps meurtri d'avoir trop rêvé.



mardi 1 décembre 2015

Kate Bush - Hounds of Love

1985



j'aimerais bien être un des chiens de la pochette, le museau à l'abri tout contre son cou, blotti au plus près de ses cordes vocales, à l'écouter chanter de l'aube jusqu'à la fin des temps. Mais... Mon reflet fatigué me rappelle que c'est qu'une envie parmi plein d'autres et mes baskets sans scratch me chuchotent tristement que plus jamais yaura école,  mais merde à la fin! On va pas se faire bouffer par les souvenirs,  aussi voraces soient ils, du haut de leur longues selles qui schlinguent le vieux cuir rabougri ; si ça les éclate, de parcourir les diagonales en glapissant, qu'ils fassent! je laisse pisser. Ma bouche sourit tandis que l'album tourne, mes oreilles, couvertes d'un immense casque noir engageant, qui, de toutes ses decibelles, me délivre une musique dont je tombe éperdument amoureuse, rougissent.  ouais, cette phrase à rallonge en étranglera plus d'un...
Je me coule doucement entre mes draps propres. Ma main tâtonne bêtement la place vide, à côté de moi..personne ne se glissera là ce soir, alors à quoi bon??