À l’autre bout du monde, là où les
ombres n’ont pas de coeur, un jeune prophète se bourre la gueule sans
sourciller. Le goulot froid, entre ses lèvres tristes, teinte l’aurore
de ses harmonies ivres. La tête du garçon frappe ses épaules avec une
régularité déconcertante de métronome sérieux,
gauche-droite-gauche-droite__________ la ligne est fatiguée.
Sous ses yeux d’ébène, une femme à la
peau morte s’endort, le nez sur son violon. Pour qui joue-t-elle, depuis
des mois, si ce n’est pour un souvenir? Elle s’est usé les os, à force
d’espérer; son horrible dos se courbe plus bas que terre au rythme des
âmes transies d’effroi qui s’amoncellent, en tas de boue crasseux, au
pied du lit inoccupé. La solitude comme point de repère, une cigarette
invisible derrière l’oreille, le jeune garçon défie la mort droit dans
les yeux — c’est ton odeur, oui! Ton odeur qui m’a rappelé à toi, ô toi,
frêle navire aux cales vermoulues. Le vent s’engouffre entre tes
cuisses, ma langue s’assèche et mes oreilles multiplient le fracas des
battements de ton coeur– mensonge! Ta tendre poitrine
est vide, creuse comme une vieille souche fatiguée. Les couleurs ont
toutes été oubliées et je regrette, oh oui, je regrette, de ne pas les avoir enlacées.
à l’époque où mes bras pouvaient
s’élever , j’aurais fendu ton âme et embrassé tes plaies, lécher tes
joues acides et prié le Soleil de ne pas trop douiller. Assommante
errance d’un astre triste, recroquevillé entre les mauvaises mains, le
buste écartelé aux pointes de la plus belle étoile, le garçon meurt à
petit feu.
Je t’aime,
sublime chimère, même quand je ne suis plus.
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